mercredi, janvier 31, 2007

La Mésopotamie - L'expression du savoir

Toutes les matières étudiées, astrologie, mathématiques, droit, médecine, divination se présentent dans des traités, interminables sentences composées chacune d'une protase et d'une apodose. La protase exposant un aspect de l'objet étudié sous la forme d'une proposition conditionnelle et l'apodose disant ensuite la conséquence que l'on en déduisait sous la forme d'une proposition principale. Ce mode d'expression, avec la formule " si.. alors.." met l'accent sur la relation nécessaire entre les deux éléments de la sentence, fit du savoir un système hypothético- déductif d'une grande rigueur logique. Les sentences étaient rangées selon un ordre défini qui montre un autre aspect de la rationalité mésopotamienne. C'est le type du savoir cumulatif, s'opposant à la formulation synthétique. Ce savoir additionnel se laissait découvrir progressivement, les touches juxtaposées ne valant que par leur association avec les touches voisines.

Les schémas logiquement possibles :

* Organisation duelle du champ de réflexion au moyen de couples de formulation opposées ou complémentaires, qui impliquent les joutes oratoires où s'opposaient le berger et le laboureur, l'été et l'hiver, l'oiseau et le poisson : tentatives de définir en les opposant les êtres et les choses : conception binaire.

* Conception ternaire, exprimée par des triades de sentences comportant un moyen terme entre les deux extrêmes, faisant écho à la répartition en triades des grandes divinités du panthéon.

* L'analogie fonde la pensée et prend naissance dès la création du monde, lorsque Marduk fendit le corps de Tiamat en deux moitiés se faisant face, la Terre répondant au Ciel, comme une image et son reflet spéculaire.

De plus, l'analogie était imbriquée dans la nature du langage. Les rapports analogiques n'étaient pas seulement consacrés par les mots, ils étaient fondés par eux. Les Mésopotamiens croyaient en l'identité de nature entre la chose et son nom. Un être ou une chose n'arrivaient à l'existence qu'une fois nommés. Notion qui découle de la cosmogonie : il suffisait au dieu créateur de prononcer un nom pour que la chose désignée existât. Les Mésopotamiens se livrèrent donc de façon systématique à la spéculation verbale.

* Signe et sens s'épousaient car le sens naissait dans le signe lui-même. C'est la vertu de l'écriture cunéiforme, écriture polysémique, riche de virtualités de lectures et de sens. A travers un même signe, on passait d'une chose à une autre ou d'une idée à une autre.

* Il faut ajouter la bipolarité de lecture, sumérienne et akkadienne. La pluralité des interprétations repose sur l'analyse des éléments contenus dans le pictogramme. Par exemple, la création de la déesse Ninti, destinée à soigner une côte malade du dieu Enki. Nin signifie dame, ti désigne côte, la vocation de la déesse " dame de la côte " ou " dame de la vie ", est inscrite dans l'écriture même de son nom.

* Des associations phonétiques aux associations sémantiques, l'interprétation pouvait suivre un cheminement complexe et nécessitaient une érudition étonnante. Chaque signification appelait immédiatement la foule de toutes les significations supposées présentes dans le terme étudié. Le signe pied, pouvait, selon les circonstances, évoquer l'action de marcher, se tenir debout, porter ou emporter. L'épi se référait à tout le monde céréalier mais aussi au complexe phonétique se, qui désignait le grain d'orge en sumérien. Il devenait possible d'utiliser ce même signe de l'épi partout où dans la langue parlée se rencontrait le son se. Le signe re, qui disait berger re'u, dont il est la syllabe initiale, a donné l'éqivalence re = senu, petit bétail, celui-ci étant l'objet du travail du re'u.

Au terme de cette étude, il n'est pas nécessaire de tracer les contours d'une philosophie qui doit beaucoup au pouvoir de nos conceptions actuelles et au désir de promouvoir une pensée spécifique. Il faut se contenter de la réalité déjà appréciable. Les Mésopotamiens ont pu écrire les premiers, les grandes préoccupations de l'homme. A partir de leurs observations, portant sur la nature et sa fragilité, sur leur propre vulnérabilité, ils ont pris conscience de ce qui les dépasse : la naissance du monde, l'origine et la destinée de l'homme, le sens de son existence. Nous voyons en acte l'imagination de l'homme qui va créer les mythes ou les récits. La cosmogonie et l' anthropogonie se conjuguent dans une théogonie et ce qui nous apparaît de plus immédiat est l'homo religiosus, selon la définition de Jung et de Mircea Eliade. Le rapport avec ce qui les dépasse a donné naissance à la pensée religieuse, aux rituels, au culte. La transcendance, la justice, la sagesse, trouvent leurs définitions originelles, et l'érudition et la richesse de la langue donne lieu à des élaborations où le rationnel s'affirme.

Platon a écrit que la philosophie commence avec l'étonnement. Alors les Mésopotamiens sont philosophes. Disons qu'ils sont à l'aurore de toute pensée et de toute spéculation. Ils ont écrit les premiers les questions et donné les premiers les éléments de réponse. La voie qu'ils ont tracée, grâce à ce mariage harmonieux des Sumériens et des Sémites, conduit au monothéisme mosaïque et au rationalisme grec. A défaut de philosophie véritable, ils inaugurent cette confrontation ou cette harmonie entre religion et philosophie, entre imaginaire et rationnel qui seront les rameaux vivifiants dont nous sommes, sinon les héritiers, du moins les dépositaires.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Où peut on trouver sur internet l'intégralité des traductions des textes sumériens.

Certains disent que les dieux annunaki avaient une apparence de reptile.
Ces gens là s'appuient ils sur les textes eux-mêmes où sur des statuettes dont la forme n'est pas cité dans les textes. Si cette forme de reptile pour les dieux Annunaki est présente dans les textes ou le texte lequel ou lesquelles sont ils ?